De Barbie girl à bimboland

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De Barbie Girl à Bimboland

Qu'une fillette joue à la poupée Barbie, rien de plus normal, mais quand il s'agit d'un homme d'âge mûr ? Ca vous choque ? Pourtant, j'affirme bien que certaines fillettes, lorsqu'elles ont fini de jouer à la Barbie, jouent LA Bimbo, et que certains hommes, lorsqu'ils ont fini de jouer à la petite voiture, jouent AVEC LEUR Bimbo. Ce que vous lisez vous heurte ? Vous n'êtes pas tous (toutes) comme ça ? Mon propos est réducteur ? Vous, Messieurs, avez le respect de notre personne, et vous, Mesdames, le respect de la vôtre ?

Sombrerais-je dans la caricature ? Pourquoi la bimbo, espèce inconnue jusqu'il y a une décennie, a-t-elle fait son apparition ? Avez-vous remarqué comme cette régression de la femme en particulier fait suite à l'indépendance des femmes en général ? Une indépendance qui peut être mal vécue pour les hommes de 40, et même de 30 ans, qui ont grandi dans l'idée qu'ils seraient le pilier du foyer, l'élément qui décide, sur lequel on s'appuie, qu'on ne manque pas de consulter avant chaque décision, que l'on suit, un homme tout-puissant et nourricier, qui par son travail pourvoit à l'ensembe des besoins de la famille... Oui mais voilà, cet homme, le même, doit aujourd'hui partager ses prérogatives.

Car lorsque lui a grandi dans l'idée que les hommes auraient toujours les pleins pouvoirs, la femme a fait grandir l'idée qu'elle pouvait être autonome, travailler, décider, être chef de famille, d'entreprise, conduire des voitures puissantes, bref, de quoi effrayer Monsieur, qui ne sait plus vraiment où il en est ni quelle posture adopter. La femme, jadis exclusivement maternelle, tournée exclusivement vers la vie domestique, est aujourd'hui potentiellement concurrente de l'homme, sur une multitude de plans. Elle peut briguer le même poste, être admirée pour ses compétences professionnelles, ses capacités intellectuelles, son aptitude à diriger...

Alors, quand les rôles changent et s'échangent, quoi de plus rassurant qu'une femme qui n'en est pas tout à fait une ? Une créature, aux jambes démesurées, aux yeux d'une grandeur et d'un bleu improbable, à la taille réputée "de guêpe" et aux hanches si frêles qu'elle est à l'opposé de la femme de chair et de sang, à la taille aussi généreuse que la poitrine...

Certaines femmes n'existent qu'au travers l'image qu'elles renvoient. Elles ont besoin de regard concupiscent de l'homme pour gagner une certaine forme de sérénité, de satisfaction. Tandis que certains hommes ont besoin de femmes qui ne puissent constituer aucune forme de concurrence, et qu'ils peuvent exhiber. Alors après avoir joué à la Barbie, la fillette, anxieuse du regard de l'homme, avide de son approbation, joue à être Barbie, la poupée, la femme-objet, comme certains hommes, après avoir joué aux petites voitures, jouent avec leur bimbo.

Car lorsque lui a grandi dans l'idée que les hommes auraient toujours les pleins pouvoirs, la femme a fait grandir l'idée qu'elle pouvait être autonome

Dire que la bimbo est une femme soumise serait un piètre raccourci, la bimbo domine, exerce une forme de pouvoir qui prend les dehors de la soumission mais n'en est pas moins réelle. Dire que les bimbo sont idiotes serait justement la pire des idioties, quant à dire que les femmes sexy sont des bimbo serait non moins idiot. Nous n'entrons pas dans les clichés, nous constatons simplement qu'en même temps que la femme s'émancipe, et comme contrebalancier, une nouvelle catégorie fait son apparition, qui hérite tout, dans la posture apparente, de la femme des années 50 : soignée, bonne hôtesse, divertissante, mais avec les outils que met à portée les dernières avancées médicales et technologiques : implants mammaires, extensions capillaires, botox... un pouvoir d'achat, une indépendance, une liberté sexuelle accrus, enfin et surtout une forme de pouvoir subtil, neuf, qui n'a rien à envier au pouvoir domestiques des femmes des fifties.

Dire que la bimbo est une femme soumise serait un piètre raccourci

Pourtant, la bimbo contribue, en quelque sorte, à détériorer l'image de la femme auprès des hommes. Une image qui a pourtant bien besoin d'être dépoussiérée. N'oublions pas qu'à charge et responsabilité de travail égales, les femmes restent moins bien payées que leurs homologues masculins (un tiers de différence en moyenne, toutes fonctions confondues), et accèdent moins facilement aux postes d'encadrement et de direction. Pour exemple, à l'heure où j'écris ces lignes, les femmes journalistes du quotidien d'économie Les Echos font la grève des signatures pour protester contre le manque de considération de la direction. C'est dire que pour les hommes, l'économie reste une affaire d'homme. Encore n'évoque-t-on pas la fonction politique... Combien de femmes journalistes, de formation économique, juridique, politique, sont orientées par des hommes vers la presse people et la mode, en dépit de leurs compétences ? D'ailleurs, la Barbie journaliste (photo ci-contre) relève bien d'un fantasme masculin !

Par Déborah Eugène

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