01 - Notre langue est-elle libre ?

Notre langue est-elle libre ?
Nous pouvons grincer des dents autant qu'il nous sied, nous n'empêcherons pas la langue française d'évoluer. Ce ne sont pas contre ces évolutions en elles-mêmes que le tout un chacun s'élève. Qui ne s'est jamais indigné contre l'emploi malencontreux d'une expression, la libre interprétation d'une grammaire aux règles pourtant bien établies, le détournement absurde d'une maxime, me jette la première pierre. Pour autant, faut-il envisager une nouvelle réforme de l'orthographe ? Une telle réforme serait-elle applicable ? La réforme refléterait-elle avec à propos les nouvelles habitudes d'une écriture en pleine mutation, et permettrait-elle seulement de répondre à l'évolution du langage ?
Chaque projet de réforme de l'orthographe déchaîne régulièrement les passions. Pour les aficionados de la langue et les plus de 65 ans, c'est : "pas touche à ma langue !" Ma langue : le possessif pour dire que l'on s'approprie le Français, que l'on assimile pour le restituer avec toutes ses nuances. Pourquoi alors refuser qu'une matière aussi noble que notre cher Français, aussi vivante, aussi réactive dans la transposition, quasi automatique, qu'elle donne des nouvelles idées, nouveaux courants, nouvelles modes, évolue et intègre de nouvelles formes ? Ce que le lieu commun semble refuse ren même temps qu'il les adopte largement, ce sont les nouveaux "vulgarismes"(1) du langage. Autrement dit, la facilité d'expression au mépris de toute considération sémantique, la perte des nuances propres à la langue, et qui donnent lieu à une multitude d'adjectifs dont la précision nous est chère autant qu'elle restreint leur emploi à des cas qui se rencontrent de moins en moins, de noms qui n'ont plus lieu d'être dès lors que la fonction qu'ils décrivent ne trouve plus de justification sociale, et que pourtant nous ne finissons d'abandonner que tardivement, après force discussions toutes d'un très bon français.
Ce caractère réfractaire à la réforme de la langue se retrouverait, selon un sondage Ifop(2), chez plus de la moitié des Français (56%), et serait plus marqué chez les plus de 65 ans (61% contre 38% de favorables). Les moins de 35 ans seraient encore 51% à être défavorables à une telle réforme. L'adoption de certains anglicismes, la généralisation de l'Anglais dans les relations professionnelles et les échanges, placent la langue Anglais en ligne de mire : plébiscité par la jeunesse, l'adoption grandissante de tout vocabulaire construit à partir de l'anglais fait réagir leurs aînés plus vertement. A juste raison ? Lorsque l'on sait que la langue anglaise, à l'instar du français, les Anglophones du Royaume-Unis et des Etats-Unis déplorent, eux aussi, une certaine déliquescence de cet anglais de Sheakespeare cher à leur coeur, l'on est tout naturellement amené à se poser la question.
(1)Ici le terme "vulgaire" n'est pas entendu comme "grossier" ou "injurieux", mais pris, évidemment, comme "communément répandu", provenant d'un usage large et peu nuancé.
(2)Sondage réalisé en septembre 2009 auprès d'un échantillon de 1004 personnes de 15 ans et plus.
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