L'Ecrivain public et le lien social
Si l'isolement social désigne un manque d'interactions sociales en raison de divers facteurs psychologiques et physiques, le lien social est au contraire l'ensemble des relations qui unissent des individus faisant partie d'un même groupe social et/ou qui établissent des règles sociales entre individus ou groupes sociaux. Il faut provoquer le second, l'inciter, le nourrir, le maintenir. C'est pourquoi l'on parle souvent de tisser ou de nouer du lien social. De la même manière, l'on parle aussi de rompre l'isolement ; parce que l'isolement est lui même une rupture (sociale, relationnelle, professionnelle, affective), l'on doit provoquer une nouvelle rupture (celle d'avec le repli, de l'intériorisation) pour revenir au monde.
Tandis que l'on s'applique encore et toujours à (re)tendre les liens de notre réseau relationnel, à les nouer de manière subtile et intelligente, l'on "sombre" dans l'isolement. Nous sommes à l'ère de la précarité relationnelle. Et lorsque l'on sombre totalement, la souffrance que l'on endure alors est indicible. Car un individu, à l'ère moderne plus que jamais, ne peut vivre et s'épanouir en dehors de la société des hommes. Le seul fait de s'en éloigner provoque une indifférence telle de la part de nos pairs vis-à-vis de notre "être" individuel profond, qu'elle agit comme une opprobre. L'on sait aujourd'hui que l'isolement social est une cause importante de mortalité.
« Les symptômes d'un isolement total, également appelé privation sensorielle, incluent souvent l'anxiété, des illusions sensorielles, ou même un trouble de la perception du temps. Cependant, ces symptômes surviennent lorsqu'il n'y a absolument aucune stimulation du système sensoriel et aucun contact avec le monde extérieur. Ainsi, lorsque l'individu ne trouve rien à faire pour s'occuper l'esprit, celui-ci peut très vite se remettre en question. »
La fonction sociale et médico-sociale au coeur du lien interpersonnel
C'est pourquoi nous voyons parmi l'ensemble des travailleurs sociaux et médico-sociaux émerger la question du lien social, de la manière de le tisser et de le maintenir afin de rompre l'isolement. On l'aborde alors sous l'ensemble de ses angles (« solidarité sociale » en sociologie, « lien interpersonnel » en psychologie sociale), mais surtout, on le met en pratique. Ainsi le service à la personne (aides ménagères, auxiliaires de vie, assistantes de vie), qui est l'un des piliers du maintien à domicile des personnes âgées et/ou dépendantes, constitue-t-il un axe fort en terme de lien social ; la personne continue de profiter de son environnement habituel sans pour autant se trouver en rupture de soins et de liens sociaux. Elle est accompagnée en promenade, ce qui lui permet de continuer de sortir et d'être en contact avec son environnement relationnel le plus proche d'un point de vue géographique (voisins, commerçants du quartier...).
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L'Ecrivain public a spontanément un rôle de maintien du lien social
A l'instar, l'écrivain public, par l'accompagnement aux démarches et la nécessité de conduire des entretiens avec son usagers au cours desquels celui-ci est amené à évoquer sa situation administrative, professionnelle, familiale, agit lui aussi comme un intermédiaire fort en terme de maintien du lien social ; il doit alors tenir et rendre compte du ressenti de la personne qu'il accompagne. Il est naturellement placé comme auxiliaire entre les attentes de l'usager en terme de vie courante, de prestations sociales, de simplification administrative, et les nécessités et possibilités effectives (confrontation des attentes à une réalité contextuelle). L'écriture publique - qui s'adresse à tout un chacun et intervient comme support du propos - devient alors écriture sociale : l'écrivain public n'intervient plus comme seul support du propos de l'autre, il intervient, par la plume, en tant que médiateur, restaure le lien de l'usager aux organismes, aux administrations, tandis que l'écriture s'emploie alors à la recherche de solutions pratiques. L'écrivain public est alors intervenant social, médiateur et organe éminemment socialisant. Il porte le système social, dans tout ce qu'il a de plus solidaire, vers l'usager, et l'usager vers les représentations des institutions française.
L'accompagnement : organe de déploiement de la solidarité sociale
Glisser de l'idée d'accompagnement à celle de lien social ne provient pas d'un raisonnement vulgaire, au contraire. Le lien social n'est pas seulement connexe de l'accompagnement, il est contenu dans la notion même de l'accompagnement, ce que nous ressentons tous de manière intuitive. De là voit-on le plus souvent l'idée de lien social et d'accompagnement permuter dans la plupart des discours.
L'écrivain public, en tant qu'auxiliaire d'accompagnement aux démarches ("accompagnant"), est donc de fait un organe privilégié dans le cadre du maintien et de la restauration du lien social, de même manière qu'il est propre à réconcilier l'individu avec les différentes expressions de la vie institutionnelle et administrative. La solitude à l'ère des mégapoles peut aussi s'illustrer par une rupture avec l'ensemble du système social et institutionnel, alors même que les structures familiales, le premier et le plus fondamental des réseaux relationnels, sont en plein éclatement.
Autres ressources sur les notions d'isolement et de lien social : pour aller plus loin sur la notion de lien social, il peut être intéressant de lire l'ouvrage de Serge Paugam, Le lien social, édité par PUF. La thèse La solitude est-elle une prison ? publiée en ligne sur le site Cabrioles philosophiques, éclaire quant à elle efficacement la notion de solitude et d'isolement.
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