05 - Quand il ne fait pas bon être surdoué

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Pour Benjamin, le système scolaire doit encore s'adapter aux enfants précoces

Je m’appelle Benjamin et je souhaite témoigner des lacunes du système scolaire français, vis-à-vis des enfants précoces ; non seulement parce-que c’est un problème de santé publique (vous comprendrez pourquoi par la suite) mais surtout pour dénoncer ce gâchis de neurones que la France amplifie de jour en jour.

Petit, j’étais une enfant éveillé et discret. A l’école, j’étais plutôt distant des autres élèves. C’est en CE2 que je me suis vu pour la première fois pénalisé par ma façon d’être et mon sens de la justice. Cette année, un jour normal, un élève catégorisable comme turbulent m’a demandé de lui prêter ma colle ; ce que j’ai fait sans hésitation. Alors, ma maîtresse voyant la scène, intervint, me rendit mon bâton de colle et me somma de m’excuser. Ne comprenant pas où était ma faute, si ce n’est d’avoir aidé un de mes camarades à travailler, j’ai refusé. Alors, celle-ci, prise d’une colère furieuse, me traîna du fond à gauche de la classe jusqu’à l’avant droit de la classe, en ayant comme seul point d’accroche, le cartilage de mon oreille gauche qui ne cessait de craqueler.

Ce passage de ma vie reste et restera un épisode traumatisant.

La seconde mésaventure se révéla malheureusement bien plus éprouvante encore, même si aucun préjudice physique ne m’a été porté. Cette fois-ci, c’était en CE2, c’était la deuxième classe de CE2 que je faisais (redoublement) puisque l’année précédente, j’ai fait une petite déprime qui m’a valu d’être diagnostiqué précoce et de rater mon année scolaire. Donc, ma seconde année de CE2 se passait sans trop de remous. J’ai toujours adoré, en tant qu’élève, que le cours se déroule de manière interactive. Pour cela, j’adorais prendre la parole quand j’avais une remarque pertinente à faire. Ce jour là, nous révisions la règle qui détermine si l’on doit mettre un accent ou non sur le « A ». « Il a un joli scooter » - « Il n’y a rien à manger dans le placard ». Alors, une idée de raisonnement mnémotechnique me traversa l’esprit. La maîtresse avait dit que quand on peut changer le temps du « a » pour le remplacer, par exemple, par « avait », alors on ne met pas d’accent. Si on ne pouvait pas changer le temps, le « a » prenait alors un accent. J’ai alors pris la parole pour aider mes camarades en disant :
- "Alors, la règle des « A » c’est l’inverse des accents pour les autres lettres puisque avec les « a », on met un accent quand on ne peut pas rajouter de sons (modifier le mot) alors que pour les autres lettres, l’accent modifie le mot."
Cette prise de parole étant assez complexe et au final, je le reconnais, peu utile, la maîtresse m’a demandé de développer mon idée. Une fois fait, celle-ci s’est amusée à me ridiculiser, en me disant devant toute la classe que j’étais stupide… Encore une fois, j’ai dit le mot qu’il ne fallait pas dire : « Non ». Non, je ne suis pas stupide. A ce moment, ce n’était plus une prise de parole mais une confrontation. La maîtresse voulait que je dise que j’étais stupide. Elle a insisté, s’est mise en colère, en continuant de s’énerver graduellement pour finalement m’ordonner de monter sur ma table.
Inutile de vous dire que le stress était à son paroxysme et que je pleurais déjà. Une fois debout sur ma table, la maîtresse m’a ordonné une nouvelle fois de dire « Je suis stupide ». Mes larmes coulaient à flots. J’ai refusé à plusieurs reprises, puis j’ai fini par céder et dire entre deux sanglots, les trois mots que la femme tyran me forçait à dire.

Quand on sait que des établissements spécifiques aux enfants existent mais que leur accès y est difficile ou payant, on comprend alors qu’une bonne partie de la population des précoces ne soit pas prise en charge comme elle le devrait, mettant en péril son avenir éducatif, social et professionnel.

Une fois cela fait, le cours a repris comme en temps normal, mais je suis pour ma part, resté déconnecté du monde réel, tout le reste de la journée.
Heureusement, ces expériences ne m’ont pas fait chuter dans la dépression, mais qui sait ? L’état dépressif inhérent à ma personnalité vient-il peut-être (et même certainement) partiellement de ces expériences… Toujours est-il que mon intégration au sein de la classe n’a jamais pu se faire en cette période… Vers l’adolescence, tout s’est inversé puisque je suis devenu hyper-social grâce à un masque que j’ai appris à porter et qui est aujourd’hui, partie intégrante de ma personne.

Voici maintenant mon analyse :
Que l’enfant soit précoce ou non, ce type d’expérience est à bannir pour permettre un épanouissement correct de l’enfant en question. Cependant, dans les traits de personnalité communs aux enfants précoces, l’on retrouve le sens de l’égalité, du respect, de l’écoute (…) et si les critères ne correspondent pas, alors, l’enfant n’hésitera pas à faire entendre sa version des faits…

L’enfant précoce a donc de plus fortes chances de se retrouver en situation conflictuelle avec ses supérieurs hiérarchiques (maître, parent, moniteur…) , ce qui induit que l’enfant précoce a besoin d’être plus écouté et mieux suivi qu’un enfant "ordinaire".

Pour la simple et bonne raison que l’enfant précoce vit plus de choses en un même temps qu’un enfant "ordinaire". Cela peut paraître paradoxal, mais plus l’enfant est intelligent, plus il est fragile intérieurement. Trop peu de spécialistes mettent au grand jour le scandale qui est le suivant : Il y a plus d’élève précoces en échec scolaire que d’élèves dits « ordinaires ».
Sachant maintenant que l’enfant précoce est plus vulnérable psychologiquement et qu’il a de plus grandes chances de se retrouver en situation d’échec scolaire, quelle est, selon-vous, la suite logique de mon propos ? …
Les maladies mentales,  les troubles du comportement social, des personnes renfermées, inhibées, des suicidaires, les marginaux et les drogués... C’est précisément là qu’il s’agit de santé publique. Quand on sait que des établissements spécifiques aux enfants existent mais que leur accès y est difficile ou payant, on comprend alors qu’une bonne partie de la population des précoces ne soit pas prise en charge comme elle le devrait, mettant en péril son avenir éducatif, social et professionnel.

Enfin, il paraît évident que le fait de promouvoir l’éducation des enfants précoces revient à élever le niveau de la population entière en la rendant moins malade, certainement, plus instruite et surtout, plus spécialisée dans tous les sujets, avec des enfants précoces capables de mieux s’orienter de manière à exploiter un maximum de leurs capacités.

Attention, je ne dis pas qu’il faut favoriser les enfants précoces, je dis qu’il leur faut un système éducatif adapté. Pourquoi ne pas créer au sein de chaque école et collège, des classe adaptées aux précoces ? Cela permettrait qu’ils évoluent à leur rythme, sans pour autant être en marge de la société. Cela aurait évidemment un coût, mais je suis prêt à parier que ce coût serait amplement compensé quelques années plus tard et mettant moins de monde en hôpital psychiatrique et en faisant de la France, un pays où les potentiels sont exploités à fond, pour avoir plus de scientifiques, de chercheurs, mais aussi de techniciens et d’artistes.
Dans un souci de prouver la véracité de mon témoignage, je vous annonce que je suis prêt à le réitérer sous serrement, et que je possède les informations qui permettraient de retrouver les professeurs indignes qui ont ravagé mon enfance.
Enfin, si vous êtes intéressé par le sujet des enfants et adolescents précoces, je ne peux que vous recommander la lecture des ouvrages de la psychologue Jeanne Siaud-Faccin, qui s’est peu à peu spécialisé à ce sujet et qui donne des information aussi primordiales que scandaleuses quant au phénomène des « zèbres », comme elle aime à les appeler.

 

Bibliographie

Associations et organismes

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