Dictée de Mérimée

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Dictée commandée à Mérimée par l'impératrice Eugénie

L'impératrice Eugénie la commanda à Mérimée pour distraire la cour de Napoléon III, adepte des jeux littéraires et des dictées. La dictée produite par Mérimée en 1857 pour faire suite à cette commande impériale devait donc comporter le plus de difficultés possibles, en toute subtilité. Napoléon III y fit 75 fautes, l'impératrice Eugénie, 62, Alexandre Dumas fils, 24, Octave Feuillet, 19. L'ambassadeur d'Autriche, Metternich fils, n'en fit que trois.

Les 75 fautes de Napoléon III constituaient déjà une gageure eut égard à la difficulté du texte. Quant au résultat de Metternich, il témoigne d'une maîtrise plutôt virtuose de la langue. L'histoire veut que Dumas fils se soit tourné vers l'ambassadeur pour lui demander : "Quand allez-vous, prince, vous présenter à l'Académie pour nous apprendre l'orthographe ?" L'on relève, tant dans le texte initial que dans sa variante de 1868, ce qui apparaîtrait comme des fautes d'orthographes et de grammaire dans notre langue moderne. Elles sont dues à l'évolution de notre langue et des règles qui l'accompagnent.

Le texte initial est celui publié par Léo Claretie en 1900 (le texte de la dictée a pu faire faire l’objet de mises à jour pour suivre l'évolution de la langue) :

 

« Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier.
Quelles que soient, et quelque exiguës qu’aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d’en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis, et de leur infliger une raclée, alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissé entraîner à prendre un râteau et qu’elle s’est crue obligée de frapper l’exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés ; une dysenterie se déclara suivie d’une phtisie(1), et l’imbécillité du malheureux s’accrut.
— Par saint Martin ! quelle hémorragie ! s’écria ce bélître(2).
À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l’église tout entière. »

Prosper Mérimée

 

Une fantaisie ? Voici la version MMS de la première phrase de la dictée de Prosper Mérimée :

"Pr parlé 100 zambig8T, ce 10né @ St AdrS, pré du Avr, malgré lé zéfluv ambomé 2 la mR, malgré lé 20 2 tré bon cru, lé Qisso 2 vo é lé Qisso 2 chevreuy pro10gué par lanfitrion, fu t1 vré guépié."

 

(1) - Les orthographes admises sont phtisie et phthisie. En 1694, l'on écrit phtisie ; de 1718 à 1835, elle devient phthisie ; 1878, 1935 : elle redevient phtisie.
(2) - Les orthographes admises sont belistre, belître, et bélître. De 1694 à 1718 : l'on écrit belistre ; de 1740 à 1935 il devient belître (avec circonflexe, sans accent aigu) ; puis en 1992 : bélître. Toutefois, le Littré donne bien bélître avec l’accent aigu.


Une variante de cette première dictée, comportant quelques paragraphes supplémentaires, aurait été produite dans le château de Saint-Cloud en 1868 :

 

« Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier.
Quelles que soient, quelque exiguës qu’aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, bien que lui ou elle soit censée les avoir refusées et s’en soit repentie, va-t’en les réclamer pour telle ou telle bru jolie par qui tu les diras redemandées, quoiqu’il ne te siée pas de dire qu’elle se les est laissée arracher par l’adresse des dits fusiliers et qu’on les leur aurait suppléées dans toute autre circonstance ou pour des motifs de toute sorte.

Il était infâme d’en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis, et de leur infliger une raclée, alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.
Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissée entraîner à prendre un râteau et qu’elle s'est crue obligée de frapper l’exigeant marguillier sur son omoplate vieillie.
Deux alvéoles furent brisés ; une dysenterie se déclara, suivie d’une phtisie(1) et l’imbécillité du malheureux s’accrut.
— Par saint Martin ! quelle hémorragie ! s’écria ce bélître(2).
À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l’église tout entière. »

Prosper Mérimée

(1) - Les orthographes admises sont phtisie et phthisie. En 1694, l'on écrit phtisie ; de 1718 à 1835, elle devient phthisie ; 1878, 1935 : elle redevient phtisie.
(2) - Les orthographes admises sont belistre, belître, et bélître. De 1694 à 1718 : l'on écrit belistre ; de 1740 à 1935 il devient belître (avec circonflexe, sans accent aigu) ; puis en 1992 : bélître. Toutefois, le Littré donne bien bélître avec l’accent aigu.


le 28 septembre 2003, dans le cadre des festivités du bicentenaire de la naissance de Mérimée, Bernard Pivot lit la "dictée de Compiègne", qu'il a composée pour l'occasion, dans la salle des Gardes du château de Compiègne, où aurait été lue la première dictée. Il y fait s'exprimer Napoléon, non sans humour :

 

« Napoléon III : ma dictée d'outre-tombe

Moi, Napoléon III, empereur des Français, je le déclare solennellement aux ayants droit de ma postérité et aux non-voyants de ma légende : mes soixante-quinze fautes à la dictée de Mérimée, c'est du pipeau ! De la désinformation circonstancielle ! De l'esbroufe républicaine ! Une coquecigrue de hugoliens logorrhéiques !
Quels que soient et quelque bizarroïdes qu'aient pu paraître la dictée, ses tournures ambiguës, Saint-Adresse, la douairière, les arrhes versées et le cuisseau de veau, j'étais maître du sujet comme de mes trente-sept millions d'autres. Pourvus d'antisèches par notre très cher Prosper, Eugénie et moi nous nous sommes plu à glisser çà et là quelques fautes. Trop sans doute. Plus que le cynique prince de Metternich, à qui ce fieffé coquin de Mérimée avait probablement passé copie du manuscrit.
En échange de quoi ?
D'un cuissot de chevreuil du Tyrol ? »

 

Sources : Wikipédia, site dédié à Prosper Mérimée

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