Lettre ouverte de Karl Zero à Frigide Barjot, pour le mariage homosexuel

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Société

Lettre ouverte de Karl Zéro à Frigide Barjot, pour le mariage homosexuel

Il aura fait couler beaucoup d'encre. Le mariage pour tous, adopté après moult discussions, le 23 avril 2013 à l'assemblée nationale, avec 331 voix pour et 225 voix contre, continue cependant de faire l'actu tant il rencontre de détracteurs. A leur tête, Frigide Barjot, que l'on ne connaissait pas dans un tel rôle. La question de l'adoption par des couples gays déchaîne les passion. La France est le 14e pays à autoriser le mariage homosexuel.

Le 15 avril 2013, en réaction aux déclarations de sa belle-soeur Frigide Barjot, Karl Zéro publiait, sur le site du Huffigton Post, une longue lettre ouverte à laquelle répondra, le lendemain, son frère Basile de Koch.

"Lorsque tu fus subitement touchée par la grâce à l'occasion de l'élection de Benoit XVI, je me suis réjoui en bon chrétien de ton retour vers le Christ. Je n'ai jamais douté que tous les chemins menaient à Rome, y compris les concerts des "Dead Pompidou's" et les pignolades au "Banana Café". Autant en tout cas que bien des offices liturgiques désuets pour cheveux bleus aigris. Tu as lancé tes "Benoithon", béatifiant ce Joseph Ratzinger que personnellement je trouvais légèrement rance, c'était curieux mais cocasse. Je me disais que ce combat s'inscrivait, en quelque sorte, dans la continuité logique des "combats" déjantés initiés par Jalons sous la houlette de Basile de Koch, mon frère, et ton mari. Nous avions scandé "Verglas Assassin, Mitterrand Complice !" et pour moi le Benoithon, c'était un peu la même chose : du second degré bon enfant...

Mais faut croire que non, puisqu'après la publication d'un livre consacré à ta conversion - dont tout second degré était cruellement absent - tu es devenue l'égérie de "la Manif pour Tous". Là encore, je me suis rassuré, pensant qu'il s'agissait d'une posture, et que comme tu avais rêvé d'être une artiste, ce mouvement serait pour toi une rampe de lancement. J'ai constaté avec quelle volonté, quel acharnement et quelle abnégation tu t'es hissée au statut de princesse du Breaking News... Tu tombais à point nommé pour être le mégaphone d'une Eglise Catholique aphone depuis belle lurette. Pas certain que tous les curés et que toutes leurs ouailles soient contre ce mariage civil pour tous, mais pour une fois au moins, on les entendait. Tu as donc requinqué des millions de cathos déboussolés qui se sont échappés de "la Vie est un Long Fleuve Tranquille" pour envahir les rues à ton appel, poussettes en tête, le temps d'une première manif. "Jusqu'ici tout va bien", comme disait la baseline de "La Haine". Ton collectif avait pris soin de se démarquer clairement de Civitas et d'éventuelles "racailles" identitaires issues des "cités" de Neuilly.

Tu as donc requinqué des millions de cathos déboussolés qui se sont échappés de "la Vie est un Long Fleuve Tranquille" pour envahir les rues à ton appel, poussettes en tête, le temps d'une première manif.

Mais "Il est des croix pour toutes les épaules" disait Marie Antoinette, et tu es devenu la mienne... J'étais en promo pour un livre. L'histoire de Luka Magnotta, le web-killer qui plus que tout voulait être une star... Pas une émission sans que l'on aborde le chapitre familial. Et moi d'expliquer que oui je suis catholique mais que non je ne suis pas contre le mariage pour tous, puisque Jésus a dit qu'il fallait rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, et qu'il me semble que le mariage civil dépend de César et pas de Dieu. Qu'"Aimez vous les uns les autres" dans l'idée de Jésus, ça englobe les homos, et que si ces derniers (qui seront les premiers ?) ont le désir d'avoir des enfants, je ne vois pas en quoi ces gosses seraient moins aimés par leurs parents. En outre, que spécialiste de faits divers j'avais couvert bon nombre d'affaire d'inceste et de pédocriminalité, mais que pas une fois je n'avais été confronté à des faits semblables chez des parents homosexuels...

Enfin, que frère de Basile, j'avais bien ri à son initiative de solidarité consistant à défiler seul avec sa pancarte en faveur du "mariage pour personne".

Et moi d'expliquer que oui je suis catholique mais que non je ne suis pas contre le mariage pour tous, puisque Jésus a dit qu'il fallait rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, et qu'il me semble que le mariage civil dépend de César et pas de Dieu.

Lors de ta seconde manif, tiens donc, les pancartes avaient changé. La loi ayant été votée par l'Assemblée, il était maintenant question du chômage, de rassembler au-delà de la question du mariage tous les mécontents d'Hollande, j'en ai déduit que l'UMP avait dû affréter des cars pour voler au secours de la victoire, et se refaire la cerise après le désastre de la désignation comique de son Président. Une politisation de la manif qui a dû te réjouir, toi l'ancienne fan ultime du Jaques Chirac de 95, de voir "du fin fond des départements la France entière se mettre en mouvement" comme dans la rengaine grotesque du RPR... Ça a un peu dégénéré en fin de manif, quelques excités s'étant invités, ravis de pouvoir commencer à se mettre en jambes pour la suite...

Et puis, il y a eu vendredi dernier. Là, tu étais devant le Sénat, Civitas était curieusement dans le coin, et j'ai compris que tu étais en train de riper total. Tu basculais dans une toute autre histoire, que tu ne maîtrises pas... Quand je t'ai entendue, toi Virginie, ma belle sœur - encore catholique j'espère - tempêter "Hollande veut du sang, il en aura ! Nous vivons dans une dictature !" Je me suis dit, paraphrasant ton mari :
- Ouh la ! "On se calme et on boit frais à Saint Tropez"!

Le Sénat venait de voter la loi à mains levées, vite fait bien fait, et on apprenait que l'Assemblée l'entérinera dès mercredi prochain ce qui est, conviens-en, de bonne guerre, et guère innovant au regard de notre longue vie parlementaire... Que Boutin en retombe par terre, que des politiciens hurlent à la forfaiture, au déni de démocratie, voire à la fin du monde, c'est leur boulot.
Mais toi ? Serais-tu grisée à ce point par la médiatisation ? Au point de ne plus vouloir redescendre de ton glorieux destrier, telle Jeanne d'Arc pressentant qu'il faut maintenant enfiler la tenue de Sans-Culotte de Charlotte Corday pour rester au top ? 

On va faire quoi alors ? On va s'entretuer, parce que ça détend ? Attendre un Malik Oussékine de droite pour faire plier Hollande ? Puis on fera marcher des ligues de "patriotes" sur l'Elysée et l'Assemblée, comme en février 34? Non mais : allô, quoi !?

Et puis, il y a eu vendredi dernier. Là, tu étais devant le Sénat, Civitas était curieusement dans le coin, et j'ai compris que tu étais en train de riper total.

Stop, Frigide ! Fais Rewind d'urgence. Hollande ne veut pas de sang. Je pressens même qu'il l'a en horreur. Et on n'est pas en dictature, mais si tu continues sur ce registre, là, on y va tout droit... Arrête ce jeu, sinon tu sais qui on aura comme Présidente en 2017 ? Je ne peux pas croire que c'est ça que tu veux ? Ok, les Français sont à cran, Cahuzac est un menteur, les socialos patinent dans la semoule, et la crise on va encore en bouffer un moment mais j'ai le sentiment que tu surfes là-dessus, sans réfléchir, que tu t'es prise au jeu sans te rendre compte de où ça risque de nous mener, et - pire - de où ça te mène...

Ton beauf qui te pardonnera si t'arrêtes les frais."

La réponse de Basile de Koch, frère de Karl Zero et époux de Frigide Barjot

"Mon bien cher frère,
Concernant le désormais fameux « engagement n° 31 » du candidat Hollande, je savais que la France était coupée en deux. Mais voilà maintenant que c’est notre famille !
Pour être tout à fait franc avec toi, je l’ai su il y a trois mois, quand tu es allé à Europe 1 chez Ruquier pour vendre ton livre sur Luka Magnotta.
Ce jour-là, j’ai appris que tu étais un chaud partisan du « mariage pour tous » – sauf pour moi. Ma femme, as-tu révélé dans la bonne humeur générale, avait tous les défauts : fêlée, opportuniste et même pas catho comme toi ! Mais si tu savais tout ça avant, Karl, t’aurais quand même pu me prévenir…
Bref, quand on en a reparlé tous les deux (hors micros, il est vrai), tu m’as assuré qu’en l’occurrence tu t’étais « laissé prendre par l’ambiance », et qu’on ne t’y reprendrait plus. Pourquoi a-t-il fallu alors que, lundi dernier, tu refasses le même sketch sur un mode « sérieux » – dans une Lettre ouverte à ma belle-sœur évidemment destinée à tout le monde sauf à elle ?

Les gens civilisés ne sont-ils pas censés laver leur éventuel linge sale en famille ?

Mais c’est que ce linge-là est virtuellement sanglant, et qu’il y a urgence républicaine ! À te lire, Barjot serait devenue à elle seule un danger pour nos libertés.

Frigide ligueuse, factieuse, fasciste, terroriste ? Allons donc ! L’histoire est plus simple que ça : en apprenant comment le pouvoir voulait enterrer à la sauvette son mouvement, elle a tout simplement pété un fusible. Bien sûr je lui ai conseillé de le changer aussitôt, mais sans succès : dans son état, quelque connerie qu’elle ait pu balancer, pas question pour elle de faire des excuses à qui que ce soit !
Des excuses, figure-toi mon cher frère, elle en attend encore elle-même, après six mois d’insultes, de diffamations et d’attaques de toutes sortes – et pas toujours des plus belles. Des excuses, elle en réclame aussi au nom des millions de Français hostiles au projet Taubira, qui s’étaient pris à rêver que finalement Hollande entendrait leurs voix – comme Mitterrand ou même Chirac dans des circonstances comparables.
Au contraire ! Sur les « soixante engagements » du candidat Hollande, s’il n’en reste qu’un ce sera celui-là. Et pour cause : c’est le seul que puisse encore tenir le parti du Progrès ! Ça a l’air égalitaire, et ça coûte pas un rond.
Donc on fonce, chef ! Quitte à humilier par tous moyens les « cathos à poussette », comme tu dis joliment. Cortèges coupés en trois et statistiques en quatre ; 700 000 pétitions à la poubelle du C.E.S.E. (inutile de retenir le nom) ; amalgame systématique entre l’immense masse des manifestants, énervés mais pacifiques, et quelques dizaines d’excités acnéiques… Sans compter l’arme fatale, ce taser moral qu’est devenu l’accusation d’ « homophobie » – délit dûment sanctionné par la loi.
Comme disait l’excellent Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois du Sénat, pour justifier son refus de recevoir la bande à Barjot : « Vous représentez la pire des homophobies, celle qui est dans le déni ». En d’autres termes, la preuve de votre culpabilité, c’est que vous plaidez l’innocence !
De la Terreur à Orwell, le refrain n’est pas nouveau. Si en revanche il est un inquiétant signe des temps, c’est la différence de traitement médiatique entre le dérapage incontrôlé de Frigide et l’appel au meurtre froidement retweeté par Pierre Bergé : « Si une bombe explose sur les Champs à cause de la Manif pour tous, c’est pas moi qui vais pleurer ! ». Mais ça c’est plutôt drôle, hein frérot ?
Quant à la « radicalisation » barjotienne, objet de tes angoisses, elle coïncide tout juste avec la brusque accélération du processus parlementaire, dans une démocratie de moins en moins représentative. Hop ! un vote à main levée au Sénat, et paf ! on renvoie la balle à l’Assemblée avec un mois d’avance – juste pour siffler la fin de la récré.

 

Rassure-toi, Karl : en vrai, ma femme ne veut la mort de personne. Elle n’a parlé de sang que parce qu’elle a vu rouge, comme tant de citoyens traités en sous-doués du dernier rang.

Et voilà ! Grâce à ce petit complément d’info – que d’ailleurs tu aurais pu dénicher toi-même, avec un habile travail d’investigation comme tu sais les mener – je ne doute pas que tu reviennes à de meilleurs sentiments envers ta belle-sœur. En tout cas, ça m’arrangerait.

 

Bien sûr il y a entre elle et toi des divergences, théologiques et autres, qu’on devine insurmontables. Mais puisque tu fréquentes volontiers les Écritures, n’oublie pas non plus Jean, 14, 2 : « Il y a de nombreuses demeures dans la maison de mon Père. »
On ne peut pas voir la même chose quand on ne regarde pas du même endroit. Frigide se jette comme une folle en mini-jupe au milieu de la mêlée, quand toi tu préfères cultiver l’ironie citoyenne du haut de ton Aventin. M’est avis que c’est une affaire de tempéraments dont, comme pour les goûts et les couleurs, on ne dispute point.
Par bonheur, au milieu de tes réquisitions, tu suggères toi-même à ma femme une idée que je serais mal venu d’ignorer : « Je me suis dit, paraphrasant ton mari : Ouh là ! On se calme et on boit frais à Saint-Tropez ! »
Rendons à Max Pécas ce qui est à Max Pécas, comme tu dirais ! N’empêche que c’est O.K. pour moi : reste plus qu’à fixer la date. D’ailleurs à ce propos, pourquoi attendre l’été ? On a tant de choses à se dire, on dirait…
"