Pédagogie

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Chronique de Christophe Sibille

Pédagos têtes de veaux - 1re

Quand j’étais élève, un bon professeur, c’était celui qui se faisait respecter. Ben, évidemment, aujourd’hui aussi !! Mais il y a quand même un léger bémol, dont on peut apprécier la hauteur même sans la moindre notion de solfège. Et ma lectrice, qui maîtrise parfaitement la clé de sol, les deux clés de fa et les quatre clés d’ut, n’en fera qu’une bouchée. En quarante ans, le profil type de l’élève lambda a quelque peu changé. Celui de ses parents aussi, d'ailleurs !!

J’en veux pour preuve que les parents d’aujourd’hui sont les enfants des irresponsables anarcho-dépravés chevelus et pouilleux qui faisaient joyeusement sauter les pavés du cinquième arrondissement de la ville des lumières. Avant de faire subir le même sort à leur camaradine de chambre. Entre parenthèses, devenue telle grâce à l’activisme pernicieux d’un petit homme chafouin et fanfaron qui a voulu faire le malin en venant occuper la Sorbonne un quart de siècle à peine après qu’on ait réussi à se débarrasser de ses compatriotes tout aussi envahissants. Quoique légèrement moins libertaires que lui, mais, ça, ce n’est qu’une question de génération. Et une parenthèse. Laissez-moi le temps de la fermer. La parenthèse. Et d’enchaîner, nous y venons !!

Résumons. Quand, en 1966, un branleur de quatrième se prenait deux cent lignes dans les dents parce qu’il avait détourné un quart de seconde les yeux du tableau noir ou de son Bled, pas le village, le manuel, le moindre des géniteurs normalement responsable, sans questionnement aucun sur la manière dont l’enseignant toujours omniscient a traité son jus de burnes, lui décalquait la tronche à la maison. Abusif, n’est-il pas ? On est d’accord !

Près d’un demi-siècle plus tard, le même papounet chéri d’amour, enfin, un autre, totalement convaincu de la légitimité de l’absence d’éducation dispensée à son nombril sur pattes abruti à coups de smartphone, fonce à l’école pour s’en exonérer sur le portrait du malheureux dispensateur de savoir, qui aura pourtant pris la précaution d’auparavant donner une chiée d’avertissements ultra-policés au branlotin. Et une chiée, c’est combien, dîtes-moi, Anthony ? Oui, onze, bravo. Pourquoi ? Parce que onze fait chiée, tiens !! Celle-là, elle date au moins des années 50 !! 1850, même !!

Bon, j’avoue que tout ça est un peu résumé. Et je ne voudrais pas que ma lectrice croie que je voue les corollaires enthousiasmants de cette inoubliable expérience que fut mai 68 aux gémonies ; on a à peu près tout dit sur ces moments de grâce pour les uns, de grince pour les autres. Ce fut une réaction, même si ce mot sonne bizarrement pour qualifier le vent de liberté apporté et le soleil dans les ventres dénoués, alleluia. Ben oui, je suis dans un organe de presse ultra-culturel, non ? Mais, à présumer de la mine Boutinesque de ma lectrice, je subodore que mes efforts démesurés pour tenter des ellipses convaincantes sont couronnés d’un échec absolu. Et merde.

Toute réaction est excessive, crotte de bique ! Et tout ce qui est excessif, poil au pif, est insignifiant, poil au gland !! Et certains parents interprétèrent au pied de la lettre le slogan « il est interdit d’interdire », ce qui est totalement con. L’enfant nié, N – I – E, est devenu l’enfant roi, R – O - I. La presse féminine s’est emparée de Françoise Dolto. A laquelle elle n’a rien compris. En effet, la maman par ailleurs méritante de l’oenophile VRP pour boisson aux fruits sans fruits n’a jamais dit que l’enfant devait être le soleil autour duquel devait, tant bien que mal, essayer de tournicoter ses satellites de parents. Elle a simplement dit que c’était une personne, bordel de dieu !! L’enfant existe, point. Comme les autres. Et il doit être à sa place. Comme les autres. Du coup, les Sciences de l’éducation ont emboîté le pas à la presse féminine, en plus connes, et se sont empressées, avec gourmandise à, je cite, « mettre l’enfant au centre du système. » Ne rigolez pas, ce sont exactement autour de cette phrase que tournent tous les principes pédagogiques de ces nouveaux Jules Vernes de l’école Républicaine. Je vois un rictus purpurin se profiler sur les lèvres gourmandes de ma lectrice, qui est, sans quoi elle ne m’écouterait même pas, une farouche défenseuse de la vraie école ; Celle où on ne demande pas aux élèves de CE2 réinventer « ex nihilo » le principe de proportionnalité. Celle où les cours ne sont pas assujettis à la nécessité de faire phosphorer les collégiens à perte de vue et dans le vide sur leur rôle dans la société. Du moins avant d’avoir compris et même appris une fable de la Fontaine. D’ailleurs, ma chère et tendre, qui a par ailleurs la chance de ne pas être dans l’enseignement, regardait il y a quelque temps avec moi « Entre les Murs » du parfait faux cul François Bégaudeau. Le petit écrivain surfait qui chie, à longueur d’antennes complaisantes, sur l’école de la République à laquelle il doit absolument d’être ce qu’il est. Au bout d’une heure de propos inanes et néanmoins mal filmés avec un son pourri, de ce bavardage cinématographique pénible sur fond de salle de classe complaisamment piaillard, elle eut cette formule merveilleusement lapidaire, je la cite : « bordel de dieu, mais quand est-ce qu’ils vont commencer à faire du français ? »

Par Christophe Sibille

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